La collaboration entre autorités publiques et initiatives citoyennes ne fonctionne pas bien. Pourtant, elle peut s’améliorer. D’entrée de jeu, le ton de l’atelier « gouvernance » organisé par l’équipe du projet VILCO dans cadre des Rencontres des initiatives citoyennes durables à Bruxelles du 13 mai 2017 au BEL est donné.
C’est à travers des dynamiques locales que les autorités publiques, régionales et communales, et les initiatives citoyennes établissent des modalités de coopération qui cherchent à augmenter la résilience de la ville. Malgré le score sévère du premier baromètre, les participants présents ont d’abord présenté de nombreux exemples de modalités de collaboration qui fonctionnent.
« Certaines communes sont très proactives vis-à-vis des initiatives citoyennes. Elles sont ouvertes et progressistes».
En effet, les participants sont convaincus que les initiatives sont indispensables au fonctionnement des autorités publiques, et une telle implication prend déjà plusieurs formes notables :
- L’amélioration des services publics par la participation citoyenne : par exemple pour l’infrastructure cycliste à Watermael-Boitsfort ou un audit participatif à Ixelles sur la mobilité ;
- Le relais et la centralisation d’information: en rencontrant les différents acteurs de manière régulière (Jette), en libérant des subsides, en proposant un accompagnement professionnel (dans le cadre du Contrat de quartier Bockstael, une équipe professionnelle agit en tant qu’« activateurs de développement » depuis des années).
- « Les appels à projets de Bruxelles environnement boostent le lancement de nouvelles initiatives et les aident à mieux se structurer. » Les Quartier Durable Citoyens sont un bel exemple d’une formule qui marche avec un accompagnement individuel, personnalisé et ciblé. Grâce à une telle dynamique, ces quartiers permettent de créer du lien et de la vie dans le quartier.
Globalement, plus les dynamiques ont impliqué les communes avec les citoyens, meilleurs ont été les résultats, bien que les contacts entre l’administration et le pouvoir politique ne soient pas comparables…
« Nous avons installé un compost dans un parc de la Commune. C’était une nécessité d’être en contact avec elle, nous n’avions pas le choix. L’initiative venait des citoyens vers la Commune qui s’est d’ailleurs réapproprié le projet par la suite… »
Ces exemples ne sauraient cacher les possibilités d’amélioration, mais surtout les difficultés auxquelles les uns et les autres font face dans la nécessité de la collaboration quotidienne, comme par exemple:
- « La multiplicité de messages qui émanent de différents niveaux de pouvoir en Belgique (Fédéral, régional, communal, etc.) présente un risque de confusion pour le public, voire de contradiction dans les conseils, consignes émis. » La complexité des structures administratives, le manque de transversalité, pourtant inhérente aux thématiques des projets des dynamiques en place, le cloisonnement des compétences et le manque de guichet unique rend les contacts avec la Commune parfois difficiles, notamment quand un projet touche à divers services. Sans parler de la dominance francophone qui limite les interactions néerlandophones.
- « Comment catégoriser des initiatives hybrides? »: Parfois, c’est dans la structuration même des groupes que les interactions posent problèmes, de la difficulté de collaborer avec des collectifs (groupes non conventionnels) et enfin, le passage d’un mode de gouvernance à un autre au sein d’une même entité, puis d’une même dynamique.
- « Les administrations ne sont pas toujours au fait de toutes les initiatives qui voient le jour sur leur territoire. » Dans certaines communes, les administrations ne sont pas au courant des initiatives qui existent. Dans d’autres cas, les Communes soutiennent mais ne sont pas proactives.
- « Nous avons des contacts avec la Commune pour le matériel. Elle n’est pas forcément contre, mais il y a des blocages administratifs. Il y a des formulaires à remplir, des délais à respecter, des freins… » Les complexités administratives ne sauraient combler la bonne volonté de ceux impliqués.
Au final la bonne volonté est freinée d’une telle manière que les citoyens songent à agir sans les autorités publiques. Pourtant, les autorités publiques ne peuvent pas agir sans les initiatives citoyennes.
« Il faut développer d’autres formes de financement »
Comment, dès lors, rendre les dynamiques locales plus résilientes ? Le financement des dynamiques locales est une question récurrente, qui, au-delà de la simple ressource directement injectée, touche tant aux modes de gouvernances, qu’aux relations entre les acteurs de la dynamiques. Dès lors, en établir de nouvelles modalités permettrait de réajuster la collaboration entre autorités publiques et initiatives citoyennes.
« Bruxelles Environnement a proposé un budget « participatif » global dont les différentes associations concernées décident elles même de la clé de répartition entre elle. Cela a généré plus d’indépendance, de consensus, de responsabilisation, de transparence, et de partage d’expériences »
Et les participants n’ont pas manqué d’idées pour améliorer d’autres formes de financement existant :
- Remplacer la sélection sur base de dossiers de candidature par une co-construction du projet en tandem citoyens et pouvoirs publics. Cela permet d’ouvrir les horizons sur les ressources nécessaires et disponibles, et de limiter la déformation du projet en l’insérant dans le cadre administratif de la demande
- Envisager de financer structurellement les initiatives ou de redistribuer les financements par activités, tout en cherchant une simplification des procédures.
- Intégrer d’anciens lauréats dans les jurys qui sélectionnent les dossiers de candidature. Cela permet de varier les points de vue et de responsabiliser tant les décideurs que les bénéficiaires.
En améliorant le système de financement existant, la répartition des responsabilités permet de renforcer le lien et la confiance entre les acteurs de la dynamique. Pourtant, se connaître s’apprend et prend du temps. Cela demande d’une part que les communes comprennent le côté organique des initiatives mais aussi que les communes appréhendent le côté bureaucratique et politique. Cela est notamment un enjeu crucial en cas de changement de majorité politique au sein de la Commune même si/surtout s’il existe une volonté politique.
« Dans le cadre d’un récent projet, nous avons mutualisé nos ressources. Plusieurs personnes ont apporté des matériaux de récupération et en fin de compte le subside a financé l’achat d’un projecteur lequel est régulièrement prêté à d’autres associations ou projets. »
C’est un des points centraux des manières alternatives de soutenir les projets : diversifier les sources de ressources hors du pur financement à travers le partage de matériaux de récupération, de compétences, de lieux, d’outils pédagogiques et de mise à disposition des experts techniques spécialisés (ex: construction, formation des collectifs d’habitants ponctuellement).
« Un mode de fonctionnement de type coopératif permet de faire des économies, d’utiliser au mieux les ressources. On peut aussi faire appel à d’autres sources de financement comme le crowdfunding »
Enfin, les financements peuvent aussi être extérieurs à la dynamique en faisant appel à la communauté, l’autofinancement, au secteur privé, ou encore, aux micro-banques.
« C’est la mise en réseau en réseau aussi qui permet de renforcer des activités des dynamiques, identifier des solutions et possibilité de co-ressources, créer de nouveaux liens et interactions. Le Journal de la Commune dans certains cas donne de la visibilité aux dynamiques, les plateformes existantes mais aussi ce premier Forum des initiatives citoyennes ! »
Pour renforcer la mise en réseau, les participants pointent du doigt le rôle des autorités publiques pour centraliser de l’information utile et nécessaire aux initiatives, que ce soit pour des ressources disponibles et échangeables/prêtables (une forme de mariage d’offre et demande) ou d’information générique sur les dynamiques locales, accessible à toute personne intéressée. Au-delà d’un simple listing, ce serait un pôle d’accompagnement et soutien qui est demandé, à la manière d’un format type Quartiers Durables Citoyens, au sein même des administrations communales.
« Les autorités publiques et les initiatives citoyennes doivent adopter une approche win/win de complémentarité dans le travail sur le terrain ».
Cette collaboration ne pourrait être renforcée que dans un travail commun sur la manière de partager des valeurs et objectifs, et en cherchant la convergence des objectifs des acteurs concernés. Les participants ont en effet jugé que les autorités publiques ne reconnaissaient pas suffisamment la plus-value des initiatives citoyennes, d’autant plus que la confiance les uns dans les autres est mitigée. Les participants à l’atelier ont aussi mis en avant le rôle des autorités publiques à fédérer et en susciter et aider à la diffusion des activités, à la mobilisation du public.
Comment intégrer les autres citoyens?
Enfin, au-delà de la réflexion sur l’amélioration de la collaboration entre autorités publiques et initiatives citoyennes, la question s’est posée de l’ouverture des dynamiques vers les citoyens précarisés et à tout public non encore intégré. Les propositions émises ont montré le besoin de garder des dynamiques ouvertes et qui se remettent en question de manière critique et sur ce qui fait une initiative citoyenne, l’importance de donner la parole à d’autres, de s’ouvrir par la convivialité, de communiquer à travers des histoires et de activités concrètes, tout en favorisant les liens entre associations et acteurs de terrains variés.
« Qui organise les événements comme aujourd’hui? »
C’était une des questions de conclusion : au vu de la nécessité de fédérer, partager et échanger, mais aussi de co-construire des modes de gouvernance plus adaptés aux besoins des acteurs concernés, ce sont justement ces moments de travail que les participants sollicitent. Cela pourrait aussi prendre la forme de colloques, ou, différemment, de speed dating. En tout état de cause, les rassemblements pourraient aussi être plus petits, mais pour permettre d’avancer vers une meilleur collaboration entre autorités publiques et initiatives citoyennes pour augmenter la résilience de la ville.
C’est aussi un des objectifs du projet VILCO, lancé en mars 2017 pour une durée de trois ans, dans lequel une phase de recherche et d’analyse réalisera un état des lieux sur la manière dont les autorités publiques et initiatives citoyennes peuvent mieux collaboration dans des dynamiques locales en faveur de l’environnement. Une phase d’expérimentation permettra ensuite de tester des solutions envisagées. Nous vous invitons à suivre notre projet et y participer sur son site.